D’écrire ma ville – Lausanne
Porté par l’Association D’écrire ma ville et par La Maison du Récit, le projet D’écrire ma ville - Lausanne a invité tout un chacun entre septembre 2020 et janvier 2021 à écrire un texte inspiré de la capitale vaudoise. Au travers de récits aussi intimes que possible liés à des lieux, des personnalités, des souvenirs, c’est la mémoire subjective et polyphonique de Lausanne qui a été saisie. 212 textes de 212 belles plumes composent l'ouvrage. Il est disponible en librairie, auprès de La Maison du Récit ou encore auprès de l'association d'écrire ma ville.
Trois textes, pour le plaisir
Place de la Palud, quatrième siècle de notre ère
Le brouillard colle à la peau de Maximus. Chaque fois qu’il respire, l’humidité et le froid glacent sa gorge. Les sabots de son cheval s’enfoncent dans la boue du marécage. A présent, le lac est loin derrière lui. Il regrette de ne plus être dans le village. Les rues animées autour du forum lui manquent.
Près de la basilique, son grand-père lui a dit :
- Prends le panier de poissons et apporte-le à ton père.
- Tu ne viens pas avec moi ?
- Non, Maximus, je suis un pêcheur. Qu’est-ce que j’irais faire sur la colline ?
Maintenant qu’il est seul dans le marécage, Maximus se dit qu’il aurait dû refuser. Il lève les yeux, un coin de ciel bleu a déchiré le brouillard, révélant des formes familières.
Bientôt, le sentier quitte la zone humide et monte sur la colline.
Devant le chantier de la demeure familiale, il s’arrête. Son père, penché sur le four mobile, se relève.
- Ah, te voilà Maximus.
- La fabrication des briques avance ?
- Oui.
Il regarde son fils, puis le panier de poissons.
- Il ne veut toujours pas quitter le bord du lac ?
- Non.
- Le vieux fou, il n’a pas compris que, bientôt, plus personne n’y habitera.
Sylvie Carrupt
***
J’ai voyagé Lausanne
J’avais 20 ans….
Avec trois amis nous avons pris des champignons hallucinogènes et nous nous sommes « posés » dans le parc de l’Hermitage. C’était ma première fois. De prendre des champignons donc et non pas de me poser dans le parc. Nous avons tellement ri. Rire à en avoir mal aux côtes. Rire sous le magnifique et centenaire Hêtre pleureur du parc. Depuis ce jour l’expression « Pleurer de rire » a pris pour moi un tout joli double sens. Après une heure de rire, la Cathédrale s’est mise à brûler. De grandes et hautes flammes, oranges, rouges… le toit de la Cathé’ était en FEU !!! C’était à la fois magnifique et terrifiant. Comme lorsque l’on s’enflamme pour quelqu’un… !! J’ai hurlé, hurlé et je me suis rappelé que je devais juste …halluciner. Alors j’ai chanté, chanté fort « The roof is on fire… » en dansant de joie dans ce parc.
Cette expérience fut un voyage incroyable. Je n’ai pourtant jamais repris de champignons et quand je vois ma Cathédrale je me rappelle avoir eu un jour si peur pour elle. C’était il y a 20 ans….
Kali
***
Un jour au Bourg
Un jour je l'aperçus soudain,
Brodée de pixels, bordée de métal,
Jaillie d'un écran publicitaire
Se tenant derrière une vitrine
De la prestigieuse rue de Bourg,
Sur laquelle, errant, je dérivais
À la recherche d'une typesse,
De celles qui sortent de l'écran
Sachant te dire bonjour l'ami
Sans se fendre d'aucun poncif
Ni user de ces lieux communs
Qui anéantissent la rencontre
Là où elle a pris son envol.
Elle observait de son écran
Gigolos, solitaires et mondains,
Bavards, excentriques et esseulés
Jusqu'à ce que par là je passe
Et qu'elle me jette un long regard.
L'apercevant ainsi surgie
De sa tanière numérique,
Transi d'attentes et d'émotions
Quelques paroles je déposai
Aux pieds de la jolie bipède,
Ou plutôt de sa double vitrine,
Bien que je ne sus pas encore
Comment était son bas corps,
Si bipède vraiment elle était
Ou une Sirène qui me cachait
Écailles, nageoires et pédoncule.
Jusqu'au Lac elle m'emmena
Et sans sortir de ses cristaux liquides
Elle m'embarqua sur son frêle esquif.
Nous tanguâmes et nous chavirâmes,
Sans tout de suite être culbutés.
Puis vint l'instant libérateur
Où la balade devient ballade,
Nous emportant entrelacés,
Elle en sirène moi en quidam,
Vers 20'000 lieux sous le Léman.
Dario Lopreno